Interview Exclusive de Robert Pirès : "Sur le Terrain, l'Arbitre c'est le Boss !"
- Sports and People News
- 15 oct. 2019
- 6 min de lecture
À l'occasion des 18èmes Journées Nationales de l'Arbitrage, Sports and People News à l'immense plaisir d'accueillir Robert Pirès, Champion du Monde 98 et Champion d'Europe 2000,
Dans cette entrevue inédite, le Parrain de l'édition 2019 se confie avec toute l'authenticité qui le caractérise sur l'importance de l'Arbitrage dans le Sport.

Robert Pirès, le Parrain des Journées Nationales de l'Arbitrage 2019.
Vous êtes le Parrain de ces 18èmes Journées Nationales de l'Arbitrage, qu'avez-vous ressenti au moment de l'annonce ?
J'étais très content que La Poste pense à moi et me désigne Parrain de cette édition 2019. Comme j'ai toujours eu une bonne relation avec les arbitres, quelque part, je suis un bon client et cela à certainement faciliter le choix. C'est aussi pour ces raisons que j'ai accepté d'être le parrain de cette belle initiative.
Devenir parrain c'est aussi transmettre des valeurs ?
Oui et aujourd'hui grâce à mon expérience, mon vécu, je peux transmettre notamment aux futures générations les choses que nous pouvons faire et les choses que nous ne pouvons faire sur un terrain.
D'ailleurs, c'est ce que nous avions fait à Courbevoie où avec Clément Turpin, nous sommes allés à la rencontre d'une soixantaine de collégiens afin d'évoquer nos visions de l'arbitrage.
En fait, j'ai véritablement accepté cette mission pour transmettre et partager mon savoir !
Quelle est votre définition de l'autorité positive ?
Pour moi l'autorité positive c'est le dialogue, la communication et le point fondamental, celui qui me fut enseigné par mes parents, c'est le respect... Que ce soit le respect envers la personne qui est en face de vous où le respect de la hiérarchie !
Quand vous êtes sur le terrain, l'arbitre c'est le boss ! Donc il faut le respecter même s'il se trompe et même s'il prend, selon nous, de mauvaises décisions.
À titre d'exemple, il m'est arrivé parfois de ne pas être d'accord avec lui mais ça fait partie du jeu et c'est pour cela qu'aujourd'hui, j'insiste fortement sur le fait que l'arbitre et les joueurs doivent davantage parler et communiquer.
Pour faciliter le dialogue sur le terrain, le joueur doit-il s'adresser directement à l'arbitre où en premier lieu passer par son capitaine ?
Si dès le coup d'envoi du match, il y a une bonne connexion qui se créée avec l'arbitre, nul besoin de prévenir le capitaine.
Par contre, vous avez besoin du capitaine lorsque l'arbitre sent que l'atmosphère entre les joueurs est très tendue. Dans ces circonstances, l'arbitre va faire appel au capitaine pour qu'il résonne son joueur, calme la situation afin que le jeu puisse reprendre dans un bon esprit.
Quoiqu'il arrive durant un match, l'essentiel c'est de ne pas franchir la limite. Si vous dépassez cette limite, généralement, la relation avec l'arbitre sera très compliquée.
Plus tôt, vous évoquiez vos souvenirs en tant que joueur. Vous vous souvenez de ce match en question où votre relation avec l'arbitre fut délicate ?
Oui c'était lors du match Jerez-Villarreal en Liga. Dans les arrêts de jeu, l'arbitre décide de siffler un penalty pour Jerez et bien évidemment, mes coéquipiers et moi-même, nous n'étions pas d'accord avec cette décision... Comme bien souvent dans ce genre de situation ! (Rire). Du coup, les esprits se sont échauffés, nous lui avons fait part de notre mécontentement et de mon côté, je parle à l'arbitre sans rentrer dans l'insulte mais à cause de l'émotion du moment, le ton est monté... Et même en rentrant au vestiaire, j'étais encore énervé ! Puis, en quittant le stade, j'apprends que l'arbitre à fait un rapport sur moi et que j'écope de deux matchs de suspension. Aujourd'hui, avec le recul, je sais que ce jour-là, je suis allé trop loin dans ma réaction. J'ai franchi la limite et finalement, je méritais la sanction.
En tout cas, ce fut une excellente leçon car elle m'a permit de prendre conscience du fait que ça sert strictement à rien de s'énerver sur un terrain. Puisqu'au final, vous êtes pénalisés et surtout, vous pénalisez votre équipe et votre entraîneur. Donc véritablement ce n'est pas une réaction à avoir sur un terrain et maintenant, mon rôle à travers mon expérience c'est d'expliquer cela !
Être le Parrain de ces 18èmes Journées Nationales de l'Arbitrage c'est un peu comme si la vie vous offrait une seconde chance pour gommer cette erreur du passé ?
Oui c'est vrai mais elle est là et elle fait partie de ma carrière. D'ailleurs, par la suite, je l'ai beaucoup regretté.
Vous savez quand vous êtes dans le jeu, dans le feu de l'action, vous estimez que l'arbitre prend bien souvent de mauvaises décisions mais cela n'est qu'une impression dû à l'adrénaline ou la pression du match.
La faute aux émotions ?
Oui et c'est pour cette raison qu'il faut savoir canaliser ses émotions... Et quand vous êtes dans une mauvaise énergie ce n'est pas facile à contrôler !
Revenons aux Journées Nationales de l'Arbitrage 2019. Juste avant cette présentation officielle, vous vous êtes glissé dans la peau d'un arbitre lors de votre venue au collège Georges Pompidou à Courbevoie.
Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez endossé le rôle d'arbitre ?
C'était la première fois que j'endossais ce rôle auprès d'enfants. Au début ça fait drôle car vous vous apercevez qu'en réalité vous avez beaucoup de responsabilités sur vos épaules notamment au niveau de l'enjeu.
Que vous dirigez un match de Ligue 1 où une rencontre de Ligue des Champions, il y a bien sûr un enjeu sportif pour les équipes qui se rencontrent mais l'arbitre à aussi un enjeu... Celui d'être bon et neutre sur le terrain afin de poursuivre sa carrière au plus haut niveau.
D'ailleurs à Courbevoie, quand je me suis glissé dans la peau d'un arbitre et même si cela n'a duré que 7 minutes, j'ai vraiment pris à coeur ce rôle. En plus, grâce à Clément Turpin qui me donnait de précieux conseils dans l'oreillette, j'ai pu bien me positionner par rapport au ballon et fait important, ouvrir le dialogue avec les joueurs.
Ce fut vraiment une bonne expérience !






Vis ma vie d'arbitre... Robert Pirès et Clément Turpin initient des collégiens à la fonction d'arbitre. (Crédits photos : Tous Arbitres).
Dans l'avenir, aimeriez-vous renouveler l'expérience ?
Oui, vivre des expériences comme celles-ci c'est vraiment sympathique et très enrichissant ! Mais, je le savais déjà puisque depuis 2 ans avec Marcel Desailly nous collaborons avec le corps arbitral anglais sur une initiative similaire et c'est juste top !
La seule différence vient du fait qu'en Angleterre, nous travaillons uniquement avec des adultes. Du coup, sur une demi-journée passée avec eux, nous avons assisté à leur entraînement et à l'une de leur réunion sur la gestion de la pression durant un match. Puis, Marcel et moi-même, nous avons terminé cette demi-journée en nous glissant dans la peau d'arbitre. Auprès d'adultes cette mise en situation prend une autre dimension puisque le niveau n'est plus le même du coup, elle en devient beaucoup plus dur !
Que ce soit auprès d'adultes ou d'enfants, la finalité reste la même... Être arbitre ce n'est pas une mission facile et grâce aux Journées Nationales de l'Arbitrage nous en prenons véritablement conscience !
Pas facile par rapport à la violence ?
Non pas forcément ! C'est plutôt par rapport au comportement du joueur lorsqu'il n'est pas d'accord avec l'arbitre.
Parfois, l'excitation, l'adrénaline où la pression font que vos émotions prennent le pas sur le contrôle, la maîtrise de soi et dans ces moments là, la moindre contrariété peut vous jouer de sacrés tours.
Pour Clément Turpin, un bon arbitre doit savoir anticiper le jeu. Arbitres où Sportifs, sentons nous le jeu de la même manière ?
Quoiqu'il arrive, l'arbitre doit anticiper ce qui va arriver... Mais nous aussi, nous anticipons le jeu !
Nous devons sentir les choses qui pourraient se passer. À titre d'exemple, sur une action de jeu, si le ballon doit arriver sur le défenseur, nous devons de suite penser au fait que notre adversaire pourrait rater son contrôle et de fait perdre le ballon... Du coup, nous devons anticiper cette action, anticiper les erreurs de nos adversaires afin de nous placer de la meilleure manière possible sur le terrain pour récupérer aussitôt le ballon et donc reprendre l'avantage !
Je pense qu'à travers ses mots sur l'anticipation, Clément Turpin a voulu exprimer cela. D'ailleurs, je trouve qu'il a un peu changé sa relation, sa communication avec les joueurs et personnellement, je pense que c'est très bien. Aujourd'hui, Clément Turpin fait partie des meilleurs arbitres sinon il n'aurait pas été choisi par la FIFA et l'UEFA pour arbitrer respectivement des rencontres lors de la Coupe du Monde 2018 et durant la Ligue des Champions ! Dorénavant, il représente le corps arbitral français dans les plus grandes compétitions et cela montre ô combien, il est compétent !
Vous lui adressez un très beau compliment.
Je ne dis pas cela pour lui faire plaisir c'est juste mon ressenti d'après ce que j'ai vu lorsque nous étions à Courbevoie et quand il a arbitré la rencontre AS Saint-Étienne - Olympique Lyonnais dimanche dernier en Ligue 1 Conforama.
Après, je peux aussi me tromper mais bon, c'est ce que je ressens aujourd'hui !
Je vous remercie infiniment Monsieur Robert Pirès pour ce bel échange, votre gentillesse et votre disponibilité.
Je vous souhaite une excellente continuation et que tous vos souhaits se réalisent.
Propos recueillis par M. Bensalah.
Mardi 8 Octobre 2019.